Suffisamment Agile pour échouer?

François Laugier
7 min readMay 24, 2023

Allez, encore une façon d’expliquer Agile parce que c’est chaque jour encore où j’entends des non sens et des personnes qui vivent le calvaire du mode Agile. Et puis on va aussi parler de la nouvelle tendance, l’Agile Hybride!

Bienvenue dans le monde des chimères

En appeler à l’agilité sans en profiter pour atteindre l’impensable, est-ce bien raisonnable?
Je te livre un retour d’expérience de ce que ça fait d’appliquer de nouvelles postures dans la gestion de ton projet, et on va parler de bien d’autres choses que des cérémonies et des outils.

Agile pour résoudre des problèmes

Je vais planter le décor de 2 équipes chez le même client dans 2 services différents. Je suis leur manager direct et responsable de la livraison des attentes. Ce sont des équipes dites Scrum. Le contexte client est surtout piloté par l’urgence de livrer et d’arrimer ensemble plusieurs projets dans les dernières semaines de l’année. Et ce que l’on peut constater c’est que s’il est bien une chose qu’on ne sait pas dire, c’est si ça va être possible d’être au rendez-vous de ces attentes.

Ce que je constate également c’est que l’organisation du client est grandement au pilotage de l’ensemble de l’œuvre et surtout… au micro management. Jusqu’à dire à des personnes de l’équipe qui doit faire quoi et quand. J’ai donc des équipes dépossédées de leur pouvoir de décision mais à qui on demande de s’engager sur des délais de réalisation (au fait, il faut tout livrer bien sûr). Là tu comprends qu’on a un problème. Comment peux-tu planifier ton travail quand à chaque jour, on t’oblige à changer de plan pour des considérations dont tu n’as pas la maîtrise?
A croire qu’il suffit de dire agile pour que les résultats soient différents… même si on fait tout comme avant.

Agile c’est magique

Ce que trouve absolument génial c’est que j’ai souvent l’impression d’entendre le mot “Agile” pour se persuader :

  • qu’en écrivant n’importe quoi dans un truc qu’on appelle une story,
  • ces stories regroupées dans une liste exhaustive nommée backlog,
  • que l’on pose des itérations avec des cérémonies sans se poser la question du pourquoi de ces rituels,
  • où le testeur passe les tests,
  • les devs font du dev,
  • le Scrum master des rapports de performance et des rétrospectives/démo en 15 minutes,
  • et un Product Owner expert dans la compression de planning et la rédaction acharnée de spécifications fonctionnelles.
  • En gros, on fait des trucs qu’on ne comprend pas avec la pensée magique que ça va donner un résultat intéressant,

… que tout cela va fonctionner. Et d’être surpris que l’on n’arrive pas à percevoir le quotidien comme facile, planifié, sur les rails, détendu du projet quoi. Pourtant on nous a fait tant de promesses avec Agile.

Pousser la croyance jusqu’à l’extrême non sens : L’Agile hybride

On ne sait même plus de quoi on parle…

Alors plus on se sent désarmé plus on se dit qu’on en a pas fait assez, qu’il en faut toujours plus, et de rentrer dans la spirale du toujours plus de ce qui ne fonctionne pas. Et comme on a besoin de se sentir quand même en maîtrise, on va maintenant se rapprocher des concepts qu’on connaît.

  1. On fait un diagramme de Gant pour la planification,
  2. On crée un backlog complet dès le début du projet que l’équipe devra livrer en totalité.
  3. Pour être sûr que le projet ne déraille pas, on va penser surtout à bien tout spécifier dans les moindres détails et s’assurer que tout soit dans JIRA.
  4. Vu que les gens d’affaire ne sont pas disponibles, on va faire sans eux, en attendant... Et surtout, on ne va pas chercher à la place les utilisateurs finaux non plus parce qu’ils ne savent pas ce que c’est que de gérer un projet.
  5. On mettra tout en production seulement quand tout sera fini parce qu’on ne sait pas réfléchir le projet en étapes fonctionnelles cohérentes,
  6. et puis on va prévoir une période en fin de projet pour corriger tout ce qui ne va pas.

AHÉ = Agile Hybride à l’Échelle ou… La fête du slip

Pourquoi on fait comme ça? Parce que c’est comme ça qu’on faisait avant et que ça marchait pas si pire. Et à l’époque, ça s’appelait de la gestion de projet. On sait bien qu’on est pas parfaitement Agile, alors on appelle ça le mode hybride. Hop, perché! J’ai inventé THE concept qui s’exonère de toute cohérence. C’est seulement avec le recul qu’on saura dire que c’est n’importe quoi, mais en attendant et comme tout le monde a la tête dans le guidon, ça passe.

As-tu le sentiment que c’est exactement comme ça chez toi?
Mais peut être est-ce encore mieux et qu’on a décidé en haut lieu que plus on est Agile, plus on se doit de dire Agile à l’échelle, parce que c’est toute l’entreprise qui doit profiter des paillettes, on est même plus à se poser la question de savoir si au moins ça fonctionne au niveau d’une équipe.

Agile hybride à l’échelle ou… La fête du slip

Qu’est-ce qui cloche avec Agile?

Et bien, soyons clairs : rien. Rien ne cloche avec l’Agilité en soi. Ce qui cloche, c’est la façon dont elle est interprétée, appliquée et vécue au quotidien. Agile, c’est avant tout une philosophie, une façon de penser et de travailler qui nécessite une profonde compréhension de ses principes et une adhésion à ses valeurs. C’est un changement de culture, et ce changement ne se fait pas du jour au lendemain, et certainement pas en appliquant des recettes toutes faites ou des méthodes dogmatiques.

Quand on confond agilité avec vitesse, quand on essaie d’implémenter l’agilité comme un processus rigide, on passe à côté de l’essentiel. L’Agilité n’est pas une baguette magique qui permet de résoudre tous les problèmes, c’est un outil de diagnostic pour identifier ces problèmes, les comprendre et trouver les moyens de les résoudre. Et c’est là que ça coince souvent. Parce que pour résoudre ces problèmes, il faut accepter de les voir. Il faut accepter de remettre en question ses habitudes, ses certitudes, et même parfois son identité professionnelle. Et ça, c’est dur.

En se prétendant agile, on devrait être prêt à déceler les failles de performance de l’organisation. Parce que l’Agilité ne cache pas ces failles, bien au contraire, elle les met en lumière. Elle rend visible ce qui ne fonctionne pas, elle expose les dysfonctionnements. Et c’est parfois très inconfortable. Mais c’est précisément là que réside la valeur de l’Agilité : elle nous donne l’occasion de faire face à nos problèmes, de les résoudre, de devenir meilleurs.

L’agilité dans un monde VICA

notre monde est un système fait de systèmes faits de systèmes faits de systèmes…

Dans notre monde VICA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu), où tout change très rapidement et de façon imprévisible, l’Agilité est plus qu’une simple option, c’est une nécessité. Parce qu’elle permet de réagir rapidement, d’adapter ses plans, d’innover en temps réel. Mais pour cela, il faut que l’organisation soit vraiment agile, pas seulement en surface, pas seulement en mots, mais dans ses actions, dans sa culture, dans son ADN.

Pour devenir véritablement agile, une organisation doit comprendre que l’Agilité est un processus d’apprentissage permanent. C’est une dynamique d’amélioration continue, qui nécessite de l’ouverture, de la flexibilité, de l’écoute, du respect, de la collaboration. C’est un état d’esprit qui favorise l’initiative, l’autonomie, la responsabilité. C’est une façon de travailler qui valorise la transparence, la communication, le feedback, le partage des connaissances.

Alors, plutôt que de se perdre dans un simulacre d’agilité, de se cacher derrière un écran de fumée de mots et de rituels vides de sens, prenons le temps de comprendre ce qu’est vraiment l’Agilité, de l’embrasser dans toute sa richesse et sa profondeur. Apprenons à voir nos failles, à les accepter, à les transformer en opportunités. Soyons assez agiles pour échouer, pour apprendre de nos erreurs, pour nous adapter, pour progresser, pour réussir.

Parce que c’est ça, l’Agilité : c’est la capacité à évoluer, à grandir, à se renouveler constamment. C’est le courage de se remettre en question, de prendre des risques, de sortir de sa zone de confort. C’est la volonté de faire les choses différemment, de faire une différence.

Alors oui, être agile, c’est parfois échouer. Mais c’est aussi, et surtout, se donner les moyens de réussir. Alors, sommes-nous prêts à être suffisamment agiles pour échouer… et pour réussir ?

Un article de la communauté uwake.me
Un article de la communauté uwake.me

Que penses-tu de ceci :

Faire Agile c’est échouer dans sa réussite, Être Agile c’est réussir dans ses échecs

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François Laugier

Coach professionnel, Agiliste pragmatique, j’aime être le facilitateur de la mise en mouvement des personnes, équipes, organisations, vers leurs objectifs.